Rencontre avec une deferlante

Jeudi 11 juillet

Apres plusieurs journees de naviation "facile" (pour ces contrees,
j'entend!), les choses se sont quelques peu corsees hier dans la
journee. Le vent est monte graduellement jusqu'a atteindre plus de 30
noeuds etablis au petit matin. Un vent fort accompagne d'abord d'une
jolie houle, puis d'une mer de plus en plus desordonnee et hachee. Les
vagues grossissent a mesure que s'etablit le coup de vent et je les
estime entre 3 et 5m.

Mais l'Olonnois navigue bien, au vent arriere, sous GV 3 ris et un bout
de genois tangonne. Notre "bete de course" fait de pointes a plus de 8
noeuds et notre vitesse moyenne depuis hier midi frole les 7 noeuds...
du jamais vu sur l'Olonnois! On bouclera ainsi 160 miles en 24h, notre
record de distance sur une journee! Malgre le vent et la mer, l'ambiance
a bord est plutot detendue et on fera meme tous les deux une bonne
nuit! A cette vitesse et avec les vagues plein arriere, les mouvements
du bateau sont souples et la carene est tres stable.

Tout va bien, donc, jusqu'a ce que je prenne mon quart ce matin. Il est
9h et le vent commence a retomber imperceptiblement. Notre vitesse ne
depasse maintenant plus les 7 noeuds, mais je me dis que je vais
attendre encore un peu avant de renvoyer de la toile. Tout a ma joie de
voir ce front enfin s'eloigner, je ne realise pas que, dans cette mer,
avoir de la vitesse - et donc etre relativement toile - est finalement
une securite. Une petite heure apres le debut de mon quart, l'Olonnois
est pris dans un grain, et toute harnachee de mon complet cire, bottes,
gants et bonnet, je sors voir comment les choses se passent. Je suis a
peine assise dans la descente, que je vois un mur d'eau foncer droit sur
nous par l'arriere. A ce moment la, on a encore une bonne vitesse et la
vague passe tranquillement sous le bateau, l'entrainant du meme coup
dans un long surf. Puis l'Olonnois perd de la vitesse comme la vague
s'eloigne et se trouve presque arrete dans le creux de la vague.

Alors que le bateau reprend peniblement de la vitesse, une vague encore
plus grosse que la premiere nous arrive dessus. J'ai juste le temps de
me dire qu'elle est tres belle est tres impressionnante cette vague
avant de comprendre qu'elle va nous deferler dessus et de recevoir des
centaines de litres d'eau sur la tete. La deferlante tape le bateau par
l'arriere et l'envoie violemment a l'abattee, je m'acroche des deux
mains aux poignees de la descente alors que le bateau est presque couche
sur l'eau et disparait literralement sous des trombes d'eau. Le tout ne
dure pas plus de quelques secondes et on se retrouve tout d'un coup,
sonne, le bateau arrete, GV et genois a contre et toutes voiles
fasseyantes, avec des centaines de litres d'eau qui balottent dans
l'interieur du bateau...

Un rapide bilan: a part la capote de rouf qui s'est partiellement
decrochee sous l'impact de l'eau et le radeau de survie qui bouge sous
le siege du barreur, tout a l'air d'etre intact. C'est alors que je vois
Thomas sortir comme une furie du carre, pieds nus, en calecons et
tee-shirt. Il me dira plus tard qu'il s'est reveille en sursaut pour
voir des centaines de litres d'eau s'engoufrer par le capot ouvert de la
descente, pendant un court instant, il a cru qu'il etait encore en train
de rever!

Le bateau relance, le pilote re-enclanche, il faut maintenant vider le
bateau et faire un bilan precis des degats. Au final, plus de peur que
de mal, on s'en sort avec le support de moteur hors-bord casse (mais
reparable) et mon petit PC rose qui etait tranquillement pose, eteint,
sur la table a carte, probablement HS. Apres rincage a l'eau douce, il
est maintenant en phase de sechage... affaire a suivre!

Il est maintenant 23h, nous nous sommes remis de nos emotions fortes, le
bateau est presque sec, le vent souffle encore a 20-25 noeuds et
l'Olonnois fonce a 6-7 noeuds vers Reikjavik.